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La définition du licenciement pour motif économique

Temps de Lecture :
10 min

La définition du licenciement pour motif économique a fait l'objet de nombreux débats et de plusieurs réformes. Quels sont les éléments de cette définition ? Quels en sont les périmètres d'appréciation et quels sont les critères d'ordre de licenciement ? C'est ce que nous allons voir.

Bonjour, c'est Honorine et aujourd'hui je vais vous présenter la définition du licenciement économique et les notions qui y sont liées. Un épisode d'une série consacrée au droit du travail.
Comme tout licenciement, le licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Le code du travail en donne une définition assez longue. Pour bien la comprendre, le mieux est de distinguer la cause matérielle de la cause justificative. La cause matérielle est le motif concret matérialisant la situation à l'origine du licenciement. La cause justificative est l'explication des raisons de cette situation. 

1. La cause matérielle du licenciement économique

Débutons par la cause matérielle. Selon l'article L 1233-33 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail. Reprenons ces trois éléments. 

Tout d'abord, la suppression d'emploi : elle peut résulter d'une suppression de poste pure et simple, mais aussi de la répartition des tâches réalisées par le salarié licencié entre les autres salariés de l'entreprise. La suppression de poste n'implique pas forcément une diminution d'effectif. Une réorganisation de l'entreprise peut exiger la création de nouveaux emplois parallèlement à la suppression de certaines fonctions. En revanche, n'est pas fondé sur une cause économique le licenciement d'un salarié dont l'intégralité des tâches est reprise par son remplaçant.

Ensuite, la transformation d'emploi, qui intéresse essentiellement les mutations technologiques : elle relève d'une modification de la nature de l'emploi comme des tâches nouvelles ou l'informatisation de certaines activités. Elle est rarement invoquée, sans doute parce que l'employeur qui l'invoque s'expose au grief de ne pas avoir correctement adapté les salariés à l'évolution de leur emploi.

Enfin, le troisième motif relevant de la cause matérielle résulte des modifications qui touchent aux éléments essentiels du contrat de travail, c'est-à-dire la qualification, la rémunération et la durée du travail. Lorsqu'au moins 10 salariés ont refusé la modification et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif, c'est-à-dire l'obligation pour l'employeur d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi que nous verrons dans un autre épisode. 

En cas de litige sur le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement, le juge se prononce au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite aux salariés. 

Il faut relever une question importante : la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise et non de l'échelon inférieur, l'établissement, ou l'échelon supérieur, le groupe. 
Venons-en à présent à la cause justificative.

2. La cause justificative du licenciement économique

L'article L 1233-33 du Code du travail, dont j'ai déjà cité le début, se poursuit en indiquant quelles sont les quatre raisons à l'origine de la cause matérielle. Nous appellerons ces quatre raisons les causes justificatives. L'utilisation de l'adverbe « notamment » fait que ces quatre points ne sont pas limitatifs. Ainsi, le code cite premièrement les difficultés économiques, deuxièmement les mutations technologiques, troisièmement la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et quatrièmement la cessation d'activité de l'entreprise. 

La première raison, à savoir les difficultés économiques, a fait l'objet de précisions par la loi du 8 août 2016. Les difficultés sont caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique, tel qu'une baisse des commandes ou de chiffres d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Le Code du travail donne des détails sur la durée de la période matérialisant la baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires en comparaison avec la même période de l'année précédente. 

L'appréciation de la baisse est différente selon la taille de l'entreprise. Ainsi est retenu un trimestre pour une petite entreprise de moins de 11 salariés, mais quatre trimestres consécutifs pour une grande entreprise de plus de 300 salariés. 

Les mutations technologiques, deuxième cause justificative, comme l'acquisition de nouveaux outils entraînant de nouvelles méthodes de travail, peuvent également être la cause d'un licenciement économique. Il faut indiquer que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré.

Abordons à présent la réorganisation de l'entreprise, 3è cause justificative. Elle doit être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Depuis l'intervention de la loi du 8 août 2016, ce motif figure à l'article L 1233-3 du Code du travail. 

Auparavant, sa prise en compte était déjà admise par les tribunaux, sous réserve notamment que la décision n'ait pas pour seul objectif la recherche de bénéfices ou de profits supplémentaires. 

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe. Dans le cas contraire, elle s'apprécie au niveau du secteur d'activité commun aux siens et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé notamment par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché. 

La cessation d'activité de l'entreprise 4ème cause justificative, peut également justifier un licenciement pour motif économique. 

Toutefois, le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur. S'il est démontré que des agissements fautifs de l'employeur sont à l'origine des difficultés économiques et de la liquidation judiciaire, le licenciement pourrait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Comme je vous l’indiquais, ces quatre causes ne sont pas exclusives puisque le Code du travail utilise l'adverbe « notamment ». Je vous propose maintenant un zoom sur l'ordre des licenciements.

3. Zoom

(Safia ELMIGANI, Inspectrice du travail) Il y a une étape obligatoire à tout projet de licenciement individuel ou collectif pour motif économique. C'est la détermination du ou des salariés susceptibles d'être licenciés. Pour ce faire, l'employeur établit un ordre des licenciements tenant compte de critères légaux ou conventionnels. Le salarié doit, à sa demande, en être informé. L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements expose, sur le plan pénal, l'employeur au paiement de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe. Sur le plan civil, elle ouvre droit pour le salarié au paiement de dommages et intérêts évalués en fonction du préjudice subi par le salarié. (Les critères permettant de fixer l’ordre des licenciements : Article L. 1233-5.)

Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité social et économique. Ces critères prennent notamment en compte, premièrement les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, deuxièmement l'ancienneté de service, troisièmement la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés, et enfin les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Cette liste n'est pas limitative et l'employeur peut y ajouter d'autres critères. L'employeur peut privilégier un de ces critères à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères mentionnés ci-dessus.

Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans lequel sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernée par les suppressions d'emplois. Ces zones d'emploi sont établies par l'INSEE, la Dares et le service statistique du ministère du Travail. 

À retenir

Rappelez-vous, je présente tout ce qui a trait au licenciement économique collectif et au plan de sauvegarde de l'emploi dans un autre épisode. Nous arrivons au terme de cette vidéo et il y a donc trois points à retenir.

Tout d'abord, pour bien comprendre la définition du licenciement économique, il est utile de distinguer la cause matérielle de la cause justificative.

Ensuite, la question des périmètres d'appréciation des notions est importante, que ce soit pour la cause du licenciement, du reclassement du salarié ou de l'application des critères d'ordre.

Enfin, l'employeur doit tenir compte des critères d'ordre de licenciement légaux ou conventionnels.

En savoir plus

(Thomas KAPP, Responsable régional de l’inspection du travail) Vous avez apprécié ce contenu, et la pratique du droit du travail vous intéresse ? Découvrez le métier d'inspecteur du travail. Un métier de terrain qui vous permettra de mettre en pratique vos connaissances sur l'ensemble du champ couvert par le Code du travail et bien plus encore. À très bientôt pour un nouvel épisode consacré au droit du travail.

Cette vidéo présente la définition légale du licenciement économique, détaillant les causes justificatives conformément à la jurisprudence en vigueur.

Source
Ministère du Travail